Il entre dans l’ascenseur, jette un œil à la fiche tendue par sa directrice de cabinet, remercie : « C’est bon, j’ai compris. » Un dernier couloir à parcourir au pas de charge et le voilà dans l’arène. Il inspire profondément. Ce matin de juillet, il doit s’adresser aux cent top managers de Nissan réunis au siège de Yokohama, près de Tokyo.
Pas de préambule pour détendre l’atmosphère, il attaque sans notes, en anglais : « Nous devons encore gagner des parts de marché et améliorer notre rentabilité. » La voix porte, le corps penche en avant. Ses sourcils dessinent des accents circonflexes. « Regardez le marché, martèle-t-il, nous avons plein d’occasions à saisir. »
Regardez le marché, nous avons plein d’occasions à saisir.
Carlos Ghosn
Il jongle entre les résultats et les objectifs, donne la parole, écoute, s’assoit un instant puis reprend le micro. Certains noircissent fébrilement leur carnet. D’autres, arrivés la veille de France ou du Canada, écarquillent les yeux pour rester éveillés.
Sur un mur, trois horloges rappellent l’ampleur du décalage horaire : quand il est 10 heures ici, il est 3 heures du matin à Paris et la nuit tombe à Nashville, Tennessee, où bat le cœur de Nissan aux États-Unis.
« S’il y a un point que vous n’avez pas compris, dites-le », lance-t-il à la fin de sa présentation. Personne ne se manifeste. Il insiste. Nouveau silence. Il salue l’assistance et file en un éclair. Dans dix minutes, une autre réunion commence.
Cet article est à lire dans le numéro de janvier 2016 de Vanity Fair France.